Parmi les plaintes exprimées par les membres des familles concernant les pertes de mémoire de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer que nous entendons le plus fréquemment, il y a celles de la personne atteinte qui ne se souvienne plus du nom de ses collègues de travail, du nom de ses propres enfants, se souvienne du nom mais ne reconnaît plus leur visage, ne se souvienne plus de la visite d’un tel ou d’une telle, d’un événement qui vient à peine de se produire et par contre elle se rappelle très bien d’événements passés et lointains, quelquefois avec des erreurs de mémoire et d’autres fois avec une assez juste précision d’événements épisodiques surtout après un rappel indicé.

 

En fait, avec l’évolution de la maladie la personne atteinte, dans le traitement de l’information, n’arrive plus à enregistrer dans sa mémoire (encodage) les faits de conscience au fur et à mesure qu’ils se produisent (ex : actualité quotidienne ou apprentissage). Cette perte de contact avec la réalité spatio-temporelle (ici et maintenant) laisse un vide grandissant dans sa mémoire actuelle (mémoire antérograde). Ce vide devenant de plus en plus important avec l’évolution de la maladie est comblé par des souvenirs et images qui dominent sa pensée sans que la personne puisse toutefois bien se situer entre le réel et l’imaginaire, entre le passé et le présent, entre les souvenirs et la situation actuelle.

Plus la mémoire antérograde s’affaiblit, plus la personne atteinte « plonge » vers un passé mnésique autobiographique (mémoire sémantique ou épisodique) par époque de vie significative. Ce plongeon s’accompagne occasionnellement d’agitation passagère pouvant mener à une réaction catastrophique car la personne subit une bouffée d’anxiété à la recherche apparente d’indices de familiarité avec son passé qu’elle ne retrouve pas nécessairement à l’instant présent dans son environnement.

Le fait de connaître l’histoire de vie de la personne (événements les plus significatifs) nous aide à bien s’harmoniser avec la personne dans ce qu’elle vit, bien la sécuriser, lui permettre d’exprimer son besoin et la diriger en douceur dans notre réalité. Souvent une stratégie de diversion autobiographique (histoire de vie) telle « regarder un album photo, la faire parler de sa famille ou de son  travail passé »permet à la personne de diminuer son anxiété  et de retrouver un état paisible

Hebdo du St-Maurice, 14 mai 2005